L'Atelier Rouge de Matisse

L'atelier Rouge de Matisse

Le pigment que j’utilise pour fabriquer le Globe “Pourpre Impérial” est le rouge de Venise, un rouge vif, un rouge puissant, un rouge cher à Matisse, qui en fait l’éloge dans “L'Atelier Rouge”.
Accueilli avec perplexité ou indifférence, aujourd'hui, ce tableau est reconnu comme une œuvre fondamentale de l'art moderne. Voici son histoire…

Dans mon atelier le sol est rouge sang-de-bœuf comme dans les carrelages provençaux ; le mur est rouge ; c’est comme si le sang s’était infiltré pour tout teindre ; les meubles sont rouges entourés d’un fil d’or mat. Ce rouge est comme une nuit chaude à l’intérieur de laquelle, venant de la fenêtre à gauche, une intense lumière fait naître ou plutôt ressusciter les autres objets.” Henri Matisse.

C’est ainsi que Matisse décrit son atelier. Un atelier qu’il a réinventé sur la toile.  

Nous sommes en 1911 et cette œuvre est destinée à l’industriel et collectionneur russe Sergueï Chtchoukine.
La famille Chtchoukine a fait fortune dans le commerce du textile. Sergueï reprend la tête de l’entreprise familiale à la mort de son père et développe l’empire.
Il est riche, estimé et l’on se presse dans les fêtes splendides de son palais Trubetzkoy.

Grand amateur d’art, il apprécie les paysages, les ouvrages exotiques des pays où il voyage. Pissarro, Monet, Gauguin... sa collection s’étoffe.

C'est en 1906 qu'il fait la connaissance d'
Henri Matisse. Une complicité immédiate s’établit entre les deux hommes et les toiles du maître sont envoyées à Moscou pour décorer son magnifique palais.
Avec la vente de “ L
a Danse” et “La Musique”, Matisse loue une maison à Issy-les Moulineaux et se fait construire un atelier au fond du jardin.
Quand les deux œuvres sont exposées en 1910 au salon d’Automne, le tollé est immédiat devant ces caricatures sauvages, rouges, vertes et bleues. Chtchoukine, lui-même, atterré par le scandale et effrayé d’avoir à accrocher dans son escalier des nus si provocants, décide d’annuler la commande mais à peine rentré à Moscou, il télégraphie à Matisse :
«j’ai honte de ma faiblesse et de mon manque de courage, envoyez panneaux à Moscou grande vitesse».
Son palais est ouvert au public tous les dimanches et il doit faire face à l’opinion des visiteurs :
«On rit un peu de moi, mais je réponds toujours rira bien qui rira le dernier.»

En 1911, Chtchoukine passe à nouveau commande « La grande affaire que je vous propose maintenant, c’est de décorer pour ma maison une chambre entière…. Elle n’est pas grande, mais l’on pourrait y placer trois tableaux…”
Libre à Matisse de peindre sur n’importe quel sujet . L’artiste compose dans un premier temps “L’ Atelier Rose”, “La Famille du peintre”, puis s’attèle à “l'Atelier Rouge”.

Dans une lettre il décrit ses avancées à son bienfaiteur : 

« L’ensemble est rouge de Venise. Ce rouge qui est un peu plus chaud que l’ocre rouge est une couleur précise de la palette. Donc, le mur, le plancher, les deux tables à droite et à gauche, l’horloge et la commode au fond, une chaise au premier plan à droite sont rouges de Venise. Cette couleur sert de lien harmonique entre les verts, d’une branche de capucine qui trempe dans une bouteille à long col placée sur la table de gauche, bouteille verte également mais différemment, les noirs chauds d’une bordure de tapisserie persane placée au-dessus de la commode, l’ocre jaune d’une statuette autour de laquelle la capucine a poussé en l’enveloppant, le jaune citron d’une chaise en rotin placée à droite du tableau entre une table et une chaise de bois et les bleus, roses, jaunes et autres verts représentant les tableaux et autres objets placés dans mon atelier… Ce tableau surprend tout à fait à première vue. C’est nouveau évidemment… Vous ai-je dit que ce tableau représentait mon atelier”.

L'œuvre est remplie de peintures empilées en rangées et accrochées au hasard, il fait de son atelier une scène théâtrale, une galerie rouge quasi monochrome, une composition moderniste de son sanctuaire.

Quand Chtchoukine réceptionne le tableau, il est quelque peu décontenancé devant autant de vermillon: « La peinture est surprenante au premier abord. C’est évidemment nouveau... » Matisse insiste : « C’est là que je m’efforce de vivre et d’inventer, au milieu du tintamarre et de la menace, un monde de volupté calme. » En vain, le mécène refuse le tableau.

L’atelier Rouge ne s’envole pas pour Moscou et demeure dans son lieu initial et confiné d’Issy les Moulineaux pendant près d’une quinzaine d’années.

Il devait orner une chambre du palais de Trubetzkoy, son destin sera tout autre !

C’est en 1925 que Matisse lui offre une deuxième vie et un lieu d’exposition quelque peu insolite :
le
Gargoyle Club à Londres.
Fondé par le flamboyant David Tennant, ce club privé reçoit toute l'élite aristocratique et artistique de La Grande Bretagne et de l’Europe.

Le décor particulièrement remarquable a été supervisé par le peintre qui a été nommé membre d’honneur du lieu. La salle de bal au style mauresque est lambrissée de fragments découpés dans des miroirs du XVIIIe siècle récupérés dans un château français, Matisse suggère de recouvrir entièrement les murs d'une mosaïque de carreaux de verre imparfaitement taillés et conçoit un magistral escalier d'entrée en laiton scintillant. Pour compléter le tout Tennant achète deux tableaux : “l’Atelier du quai Saint Michel” et le fameux "Atelier Rouge” qui quitte sa paisible retraite pour les salles enfumées et joyeuses de Soho. Il y trônera ainsi en bonne place jusqu’au début de la guerre. Il sera ensuite vendu pour payer les dettes du club puis racheté en 1949 par le MOMA de New York où il demeure désormais.




ARTISAN CIRIER

Métiers d'Art en Touraine

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